Représentation équilibrée femmes / hommes : les précisions de la Cour de cassation
Le 09 mai dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt important concernant l’application des dispositions relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes électorales.
Rappel des faits
En l’espèce, le contentieux portait sur les élections des membres du collège cadres de la délégation unique du personnel de la CPAM d’Indre. Ce collège cadres était composé à 77 % de femmes et à 23 % d’hommes.
Deux sièges étaient à pourvoir.
L’application de la règle d’arrondi à l’entier supérieur ou inférieur (en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ou strictement inférieur à 5) aurait donc conduit à ce que chaque liste comporte 2 candidates et aucun candidat masculin
(77% de 2 = 1,54 qu’il faut arrondir à 2 femmes et 23 % de 2 = 0,46 qu’il faut arrondir à 0 homme)
Le syndicat FO avait fait le choix de présenter une liste ne comportant qu’un seul candidat, de sexe masculin.
Cette « méthode » avait été validée par le tribunal d’instance de Châteauroux de la 23 février 2017. Il avait en effet jugé que des dispositions sur la représentation équilibrée femmes / hommes ne s’appliquaient pas aux listes comportant un seul candidat. Le syndicat pouvait donc présenter indifféremment une femme ou un homme.
L’affaire a ensuite été portée devant la Cour de cassation.
La question en jeu
Une organisation syndicale peut-elle présenter un seul candidat, femme ou homme sans distinction, alors que 2 sièges sont à pourvoir ?
Solution apportée par la Cour de cassation
La Cour de cassation considère que si 2 postes sont à pourvoir, l’organisation syndicale était tenue de présenter une liste conforme à l’article L. 2324-22-1 du code du travail (représentation équilibrée femmes / hommes aux élections du CE), alors applicable et interprété conformément à la décision du Conseil constitutionnel (du 19 janvier 2018[1]), c’est-à-dire comportant nécessairement une femme et un homme, ce dernier au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré.
La décision de la Cour de cassation emporte 2 conséquences
- D’une part, la fin des candidatures uniques: il n’est plus possible de présenter un seul candidat si 2 sièges ou plus sont à pourvoir,
- D’autre part, la mixité est une obligation: l’organisation syndicale devait « nécessairement » présenter les 2 sexes : une femme et un homme (quand bien même l’application de la règle l’arrondi permettait, en l’espèce, de ne pas présenter de candidat homme).
La portée de l’arrêt s’agissant du CSE
La décision de la Cour de cassation a été rendue à propos des élections professionnelles d’une DUP. Est-elle transposable au CSE ?
- S’agissant de la prohibition des candidatures uniques alors qu’au moins 2 sièges sont à pourvoir, la transposition de cette nouvelle règle au CSE ne fait pas de doute.
- S’agissant de la mixité obligatoire, notre position est davantage nuancée : les réserves émises par le conseil constitutionnel dans sa décision du 19 janvier dernier ont été intégrées par les ordonnances MACRON du 22 septembre dernier puisqu’il est désormais prévu que : « Lorsque l’application de ces règles (d’arrondi) conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste ».
L’usage du verbe « pourront » renvoyant à une simple faculté (pouvoir ≠ devoir), il semble que dans le cadre du CSE, il n’y ait pas d’obligation pour les syndicats de présenter un candidat du sexe qui, si on appliquait strictement la règle de l’arrondi, ne serait pas représenté.
Pour autant, nous conseillons aux organisations syndicales de jouer la prudence et de bien veiller à positionner un candidat de chaque sexe si l’application de l’arrondi conduit à en écarter un.
Cass. Soc. 09 mai 2018, n°17-14.088 FS P+B+R+I
[1] Le 19 janvier 2018, le Conseil constitutionnel a considéré que s’il était loisible au législateur de prévoir un mécanisme de représentation proportionnelle des femmes et des hommes au sein du comité d’entreprise et de l’assortir d’une règle d’arrondi pour sa mise en œuvre, cette règle ne devait pas faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral (Cons. Const. décision n° 2017-686 QPC du 19 janv. 2018).