Un rôle à exercer avant même un projet de licenciement économique

L’actualité économique est l’occasion de rappeler quelques points d’attention quant au rôle des représentants du personnel en cas de projet de licenciements économiques.

Tout d’abord, il apparaît important de rappeler que si les représentants du personnel jouent un rôle prépondérant pour défendre la situation du personnel en cas de projet de licenciements économiques, ils ont le droit de prendre connaissance de la situation économique et financière de l’entreprise bien avant qu’un tel projet ne soit envisagé.

En effet, le CSE peut utiliser ses pouvoirs consultatifs et en particulier son droit de consultation récurrent notamment sur la situation économique et financière de l’entreprise (SEF).

Ainsi, à défaut d’accord, le CSE doit être consulté chaque année civile sur cette thématique (un accord peut prévoir une consultation sur une périodicité différente ; tous les 3 ans au maximum).

Cette consultation doit permettre aux membres du CSE de mieux comprendre et appréhender la situation de l’entreprise. Elle implique la mise à disposition dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) d’un certain nombre d’indicateurs. Il revient aux membres du CSE de décider de mener seuls cette consultation ou de se faire assister d’un expert-comptable de leur choix, notamment afin de comprendre le modèle économique de l’entreprise à la lumière des enjeux auxquels elle est confrontée. L’employeur ne peut pas s’opposer à la décision des élus et doit répondre aux demandes de l’expert, en particulier de documents, et prendre en charge le coût de l’expertise.

Qu’il décide de se faire accompagner ou pas, il est impératif que le CSE exerce ce droit consultatif afin de connaitre et comprendre la réalité de la situation économique et financière de l’entreprise.

À noter que pour avoir une vision plus globale de la situation de l’entreprise, nous rappelons que le CSE dispose également d’un droit de consultations récurrentes sur les orientations stratégiques de l’entreprise ainsi que sur sa politique sociale, les conditions de travail et l’emploi (avec également la possibilité de se faire assister d’un expert-comptable).

Des points d’attention communs quelle que soit la procédure engagée

Il faut savoir qu’en cas de projet de licenciements économiques, la procédure de consultation du CSE varie selon le nombre de licenciements envisagés.

Pour autant, pour toute procédure de consultation sur des licenciements économiques, l’employeur doit indiquer au CSE :

  • La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ;
  • Le nombre de licenciements envisagé ;
  • Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l’ordre des licenciements;
  • Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l’établissement ;
  • Le calendrier prévisionnel des licenciements ;
  • Les mesures de nature économique envisagées ;
  • Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation, des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (art. L.1233-31 et L.1233-10 C. trav.).

Parmi les points abordés, il convient d’être vigilants notamment quant aux raisons et au bienfondé du projet de réorganisation envisagé et ses conséquences en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. L’application des critères d’ordre de licenciement ou encore le reclassement interne des salariés sont des sujets clés. Ces points sont à débattre quelle que soit la procédure de consultation mise en œuvre sur le projet de licenciements économiques. (A noter au sujet de l’obligation de reclassement interne qu’il ressort d’un arrêt récent de la Cour de cassation que l’offre de reclassement interne devant reprendre les mentions visées à l’article D.1233-2-1 du code du travail, le défaut de l’une de ces mentions rend l’offre imprécise, ce qui caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 23 octobre 2024, nº23-19.629)).

Un rôle qui varie selon l’ampleur du projet de licenciement économique

L’employeur qui procède au licenciement collectif de 2 à 9 salariés sur 30 jours pour des raisons économiques doit consulter le CSE en sachant que le délai légal de consultation est de 1 mois. Malgré ce délai restreint, il convient donc de s’assurer de prendre le temps d’échanger sur l’ensemble du projet et notamment sur les sujets évoqués précédemment ; c’est pourquoi une bonne connaissance de l’entreprise notamment grâce aux consultations récurrentes évoquées en introduction peut s’avérer utile. À noter que le code du travail ne prévoit pas la possibilité pour le CSE de faire appel à un expert-comptable pris en charge par l’entreprise pour cette procédure. Pour autant, le CSE demeure libre de décider de se faire assister par un expert de son choix qu’il pourra financer avec son budget de fonctionnement (en application de l’article L.2315-81 C. trav.). Le recours à l’expert n’allonge pas le délai de consultation qui reste fixé à 1 mois (sauf accord).

Dès lors qu’il est envisagé au moins 10 licenciements économiques sur 30 jours, la procédure est tout autre. Elle implique une consultation plus conséquente du CSE et une négociation possible avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.

Tout d’abord au sujet de la consultation du CSE, ce dernier doit être consulté d’une part sur un volet « économique » (l’opération projetée et ses modalités d’application) (appelée communément « livre 2 ») et d’autre part sur un volet « social » où il est abordé notamment les points portant sur les catégories professionnelles concernées, les critères d’ordre et les mesures d’accompagnement du PSE (appelée communément « livre 1 »). Le cas échéant, cette dernière consultation doit porter sur les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (« livre 4 »). Ces consultations s’étendent sur une durée de 2 à 4 mois en fonction du nombre de licenciements envisagés. Toutefois, un accord de méthode peut modifier ces délais et traiter de l’opportunité de dissocier les consultations du CSE ou d’aménager le calendrier.

Des prérogatives renforcées en cas de Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE)

Dans le cadre de cette procédure, le CSE peut décider de se faire assister par un expert-comptable de son choix, rémunéré par l’employeur (art. L. 1233-34 C. trav.). L’expertise peut porter sur les domaines économique et comptable mais aussi sur les conséquences sur la santé, la sécurité ou les effets potentiels du projet sur les conditions de travail. En outre, le CSE peut aussi mandater l’expert-comptable pour assister les syndicats dans la négociation de l’accord sur le PSE.

Cette décision doit impérativement intervenir lors de la 1ère réunion de consultation du CSE sur le PSE. En cas de tenue d’une réunion dite « R0 » avant le lancement de la procédure officielle, l’administration a précisé que la désignation peut aussi intervenir au cours de celle-ci (Instr. ministérielle DGEFP/DGT du 19/07/2013).

Si au terme de cette 1ère réunion, le CSE n’a pas désigné un expert-comptable, alors il sera trop tard. Il pourra éventuellement être assisté par un expert libre financé avec son budget de fonctionnement et qui aura un accès restreint à l’information. Dès la connaissance d’un tel projet de licenciements, il convient de déterminer très rapidement si les membres du CSE souhaitent se faire assister afin de prendre contact avec l’expert et procéder à sa désignation au plus tard lors de la 1ère réunion de consultation.

Au-delà de la procédure spécifique de consultation, l’employeur doit établir un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Il a la possibilité, soit d’élaborer un document unilatéral, soit de négocier un accord collectif majoritaire avec les organisations syndicales représentatives pour déterminer le contenu des mesures d’accompagnement qu’il envisage de mettre en œuvre. Le choix d’engager ou non des négociations incombe à l’employeur. En cas d’accord, celui-ci doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au 1er tour des dernières élections des titulaires au CSE.

Ainsi, en pratique, lesdites organisations syndicales peuvent être amenées à négocier sur le contenu du PSE mais également sur des sujets tels que par exemple les critères d’ordre de licenciement et les catégories professionnelles sur lesquelles appliquer les critères.

Dans le cadre d’un tel projet, l’employeur a également l’obligation de prévoir dans le PSE des mesures favorisant le reclassement externe et celles-ci sont à débattre en réunion de CSE ou à négocier par les organisations syndicales représentatives. En pratique, les représentants du personnel sont amenés notamment à débattre ou négocier sur le cabinet de reclassement et ses actions proposées (notamment les offres valables d’emploi (OVE)), les aides à la formation d’adaptation et de reconversion, les aides à la création d’entreprise, les aides à la mobilité géographique, ou encore pour les entreprises concernées sur le congé de reclassement).

Il apparaît ainsi beaucoup de sujets sur lesquels débattre ou négocier, et l’expérience montre que l’exercice de ces prérogatives demande beaucoup d’investissement de la part des représentants du personnel qui sont par ailleurs souvent sollicités par les collègues salariés. Bien entendu, de telles situations relèvent de circonstances exceptionnelles permettant aux représentants du personnel de dépasser leurs crédits d’heures habituels (au visa des articles L.2143-13 et R.2315-4 du C. trav).

Au terme de la procédure de consultation, soit un accord collectif est signé sur l’ensemble des sujets, soit ces sujets sont établis par décision unilatérale de l’employeur, soit plus rarement un accord collectif partiel est signé et les autres sujets relèvent alors d’une décision unilatérale de l’employeur.

Un tel projet de licenciement économique a la particularité d’être soumis à un contrôle soutenu de l’administration du travail. En effet, si tout au long de la procédure de consultation, elle peut intervenir afin notamment de soumettre des observations ou propositions au sujet des mesures d’accompagnement et du déroulement de la procédure, l’employeur se doit, au terme de ladite procédure, de lui adresser l’accord collectif majoritaire et/ou le document unilatéral pour validation de l’accord ou homologation du document.

Une procédure de consultation sous le contrôle de l’administration du travail

Au sujet de l’ampleur de ce contrôle administratif, le législateur a prévu qu’il soit bien plus exigeant dans le cadre d’un document unilatéral qu’il ne l’est dans celui d’un accord collectif majoritaire (issu d’un dialogue social et signé par le ou les syndicats majoritaires dans l’entreprise).

L’administration du travail dispose d’un délai de 15 jours pour notifier sa décision de validation en cas d’accord. Ce délai est de 21 jours pour homologuer un document unilatéral. En l’absence de notification de décision dans ces délais, cela vaut validation ou homologation. Dès lors que l’administration du travail a donné son accord, l’employeur peut entamer son projet de licenciements. À l’inverse, à défaut d’accord de l’administration du travail, l’employeur ne peut pas procéder valablement aux licenciements économiques. Dans ce cas, il doit consulter à nouveau le CSE après que les modifications nécessaires ont été apportées puis soumettre le projet modifié avec l’avis du CSE à l’administration du travail.

Dans le cadre de projets de licenciements économiques, les représentants du personnel jouent donc un rôle important afin de défendre la situation des salariés, que ces derniers soient concernés directement, ou indirectement par les licenciements et ses conséquences.

Ce rôle est d’autant plus conséquent en cas de licenciements économiques avec un PSE. Ainsi, il apparait primordial de bien faire respecter les pouvoirs consultatifs du CSE afin de connaitre la situation économique et sociale de l’entreprise, mais également de maitriser les règles applicables dans le cadre de tels projets.

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